Journal of the American Medical Association

Complications et coûts des investigations liées aux procédures diagnostiques des anomalies radiologiques découvertes lors du dépistage

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
février 2019

Dépistage, Aspects médico-économiques

Ce travail se penche à nouveau sur un sujet fréquemment abordé à propos du dépistage du cancer broncho-pulmonaire : le taux élevé de faux positifs et les conséquences de ceux-ci sur les complications liées aux investigations qu’ils engendrent. Dans l’étude NLST, il y a un taux élevé de faux positifs puisqu’il dépasse 23%. Ces faux positifs exposent à la réalisation d’examens invasifs qui eux-mêmes peuvent induire des complications générant des coûts supplémentaires. 

Les auteurs prennent comme base de travail que ces complications sont probablement sous-estimées dans les études parce qui ont été menées sur le dépistage parce que les patients inclus dans les études ont un meilleur état de santé que celui de la population générale éligible au dépistage. Leur hypothèse est donc que ce taux de complications est beaucoup plus élevé que celui qui est rapporté dans l’étude NLST. 

Pour le démontrer ils ont utilisé les données recueillies entre 2004 et 2013 dans une base de données américaine constituée de millions de personnes qui, eux mêmes et leurs conjoints sont assurés par une assurance privée payée par leur employeur. Ils y ont ajouté pour les personnes retraitées d’au moins 65 ans les données de Medicare. Ils ont ensuite recherchés dans cette base les patients de 55 à 77 ans qui avaient subi l’une des 23 procédures diagnostiques réalisées dans NLST qu’ils ont classé en 4 groupes : cytologie et biopsies à l’aiguille, bronchoscopie, chirurgie thoracique et « autres ». Pour être inclus dans cette étude, les patients devaient avoir eu l’une de ces procédures diagnostiques mais ne devaient pas avoir le code qui correspond à cancer du poumon durant 1 an avant ou après la procédure. 

Pour retrouver les complications attribuables à la procédure et leurs coûts, les auteurs ont analysés les plaintes reçues. Pour relier ces plaintes aux investigations effectuées,  ils ont construit une deuxième cohorte appariée de personnes qui n’avaient pas eu les procédures : la différence entre le taux de complications chez les personnes qui ont eu la procédure et celui chez les personnes qui ne l’ont pas eu définissait pour les auteurs les complications attribuables à la procédure. 

Ainsi deux groupes ont-ils été constitués : l’un de 174 702 individus qui ont eu la procédure et l’autre de 169 808 qui ne l’ont pas eu.

Par cette méthodologie, les auteurs trouvent que le taux de complications est globalement deux fois plus élevé que dans l’étude NLST : Ce taux de complications estimées est considérable atteignant plus de 50% pour la chirurgie, autour de 35% pour l’endoscopie et près de 20% pour les ponctions et biopsies. 

Les coûts attribuables à ces complications ainsi définies et classées en mineures, intermédiaires ou majeures sont considérables : par exemple le coût des complications attribuées à la bronchoscopie sont 5573 $ si elles sont mineures, 19 470 $ si elles sont intermédiaires ou 57 894 $ lorsqu’elles sont majeures … 

Ces coûts importants doivent donc, selon les auteurs, être pris en compte pour l’implantation du dépistage. 

Cet article dont les conclusions ont largement été diffusées amènent un certain nombre de commentaires qui nous paraissent importants et que nous centrerons sur 5 points :

  1. Les auteurs indiquent que dans l’étude NLST le pourcentage de faux positifs dépasse 23%. C’est exact, mais dans l’étude NELSON qui prend en compte le temps de doublement estimé sur un deuxième scanner chez les « intermédiaires » ce taux de faux positifs est beaucoup plus bas à 1,3%. 
  2. L’exploration des positifs ne doit conduire à des explorations invasives que dans des conditions précises. Dans la majorité des cas le suivi scanographique suffit et, dans l’étude NLST elle-même, très peu de patients classés comme faux positifs ont eu des explorations invasives (0,8% de ponctions, 2,2% d’endoscopies, 0,6% de thoracotomies).  
  3. Il nous parait très discutable d’extrapoler à une situation de dépistage, c'est à dire à des personnes qui sont asymptomatiques, le taux de complications observés chez des malades qui ont une fibroscopie pour le diagnostic de symptômes. Comment peut-on penser par exemple que le taux d’hémoptysies après une endoscopie serait le même chez un sujet asymptomatique que chez un malade qui présente une tuberculose, une aspergillose ou des dilatations des bronches ? 
  4. L’estimation des complications basées dans cette étude est très contestable.
  5. Enfin l’estimation du coût basé sur des plaintes est plus le reflet du système de santé américain que du nôtre. 

Pour toutes ces raisons, nous pensons que ces résultats ne doivent pas influencer notre réflexion sur l’implantation du dépistage en France. 

 

Reference

Complication Rates and Downstream Medical Costs Associated With Invasive Diagnostic Procedures for Lung Abnormalities in the Community Setting.

Huo J, Xu Y, Sheu T, Volk RJ, Shih YT.

JAMA Intern Med2019. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer