Journal of Clinical Oncology

Gefitinib ou gefitinib et chimiothérapie : l’étude NEJ009, une nouvelle étude de phase III

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2019

Traitement des stades IV, EGFR

L’association d’une chimiothérapie à un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR a été beaucoup étudiée. Il y a 3  ans  nous avions commenté sur ce site une étude de phase II randomisée industrielle et multicentrique menée dans plusieurs pays asiatiques (cliquer ici) dans laquelle les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde de stade IV avec une mutation activatrice de l’EGFR étaient randomisés sur un mode 2/1 pour recevoir soit du gefitinib exclusivement à 250 mg/j soit ce même traitement  associé à du pemetrexed à 500 mg/m2 tous les 21 jours. La survie sans progression médiane était significativement augmentée et nous constations que les courbes de PFS, qui étaient superposées pendant les 7-8 premiers mois,  s‘écartaient franchement ensuite. Les données de survie de cette étude qui avait inclus près de 200 malades n’étaient à l ‘époque pas matures.

Nous avons commenté également sur ce site il y a plus de 4 ans une étude de phase II japonaise, l’étude NEJ005, (cliquer ici) qui comparait une association concomitante (gefitinib à 250 mg quotidiennement et chimiothérapie par carboplatine (AUC 6), et pemetrexed (500 mg/m2), à J1, répétée toutes les 3 semaines) ou séquentielle (8 semaines de gefitinib puis 2 cycles de cette même chimiothérapie)  de gefitinib et d’une chimiothérapie par carboplatine et pemetrexed. La médiane de survie du bras concomitant était très nettement supérieure à celle du bras séquentiel. 

Enfin nous avons commenté il y a deux mois une étude académique indienne de phase III dans laquelle les patients qui avaient une mutation de l’EGFR étaient randomisés sur un mode 1/1 pour recevoir soit du gefitinib seul, soit du gefitinib et une chimiothérapie par carboplatine et pemetrexed. Les taux de réponses, la survie sans progression et la survie globale étaient significativement supérieurs dans le bras associant une chimiothérapie au gefitinib (cliquer ici).

Les auteurs de l’étude NEJ009 dont les résultats viennent d’être publiés dans le Journal of Clinical Oncology avaient déjà mené l’étude de phase II NEJ005 que nous citions plus haut (cliquer ici)

Méthodes

L’étude de phase III qu’ils publient ce mois ci porte sur des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde de stade IIIB ou IV avec un large éventail de mutations de l’EGFR (délétion de l’exon 19, mutations L858R, G719A, G719C, G719S,et L861Q), un âge de 20 à 75 ans et présentant un PS à 0 ou 1. Ils ne devaient pas avoir de mutation T790M, de métastase cérébrale symptomatique, d’antécédents néoplasiques ou de pneumopathie interstitielle diffuse. 

Ils étaient randomisés pour recevoir :

  • Soit du gefitinib (250 mg quotidiennement) et une chimiothérapie par 4 cycles de carboplatine (AUC 5), et pemetrexed (500 mg/m2), à J1, répétée toutes les 3 semaines suivis par une maintenance de pemetrexed aux mêmes doses.
  • Soit du gefitinib (250 mg quotidiennement).

Ils étaient stratifiés selon le sexe, le stade, le type de mutation et le tabagisme.

Cet essai avait plusieurs objectifs principaux analysés de façon séquentielle hiérarchique:  

  • La survie sans progression (PFS), période allant de la date de randomisation à la date de progression ou de décès. 
  • La PFS2 allant de la date de randomisation à la date où gefitinib et chimiothérapie devenaient inefficaces (pour le bras gefitinib c’était initialement la période qui allait de la randomisation à la progression ou au décès sous deuxième ligne. Secondairement le temps entre la première progression et le début du traitement de deuxième ligne a été soustrait).
  • La survie globale. 

Les objectifs secondaires étaient la réponse, la toxicité et la qualité de vie. 

Résultats

De 2011 à 2015, 345 patients provenant de 47 institutions japonaises ont été randomisés, 173 dans le bras contrôle et 172 dans le bras expérimental. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. 

Le tableau ci-dessous résume les principaux résultats avec un suivi médian de 45 mois:

 

Gefitinib et Chimiothérapie

Gefitinib

p

N

172

173

 

Réponses (%)

84

67

<0,001

PFS médiane (mois)

20,9

11,2

 

HR de PFS (95% CI)

0,49; (0,39-0,62)

<0,001

PFS2 médiane/ PFS2 médiane modifiée (mois)

20,9/20,9

20,7/18

 

HR de PFS2/ PFS2 modifiée

0,99/0,8

0,90/0,81

Survie médiane (mois)

50,9

38,8

 

HR de survie (95% CI)

0,72 (0,55-0,95)

0,021

     

Environ le quart des patients de chaque bras ont reçu ensuite de l’osimertinib. La médiane de survie de ces patients qui ont reçu de l’osimertinib était de 74,7 mois dans le bras standard et non atteinte dans le bras expérimental. 

La qualité de vie était diminuée à huit semaines chez les patients du bras expérimental mais identique ultérieurement. 

Des événements secondaires rapportés au traitement de tous grades sont survenus chez 98,2% des patients du bras gefitinib et 95,9% des patients du bras chimiothérapie+gefitinib. Des événements secondaires rapportés au traitement de grade ≥3 sont survenus chez 31% des patients du bras gefitinib et 65,3% des patients du bras combiné. 

Cette étude de phase III démontre donc, comme l’étude indienne commentée il y a deux mois, que les taux de réponses, la survie sans progression et la survie globale sont significativement supérieurs chez les patients qui reçoivent une chimiothérapie associée au gefitinib. 

L’étude FLAURA (cliquer ici) a fait de l’osimertinib un nouveau standard de traitement. Il reste maintenant à savoir si l’association d’osimertinib et de chimiothérapie est supérieure à l’osimertinib seul : c’est la question à laquelle devrait répondre l’essai FLAURA2 à partir de 2023 (cliquer ici)

 

Reference

Gefitinib Alone Versus Gefitinib Plus Chemotherapy for Non-Small-Cell Lung Cancer With Mutated Epidermal Growth Factor Receptor: NEJ009 Study.

Hosomi Y, Morita S, Sugawara S, Kato T, Fukuhara T, Gemma A, Takahashi K, Fujita Y, Harada T, Minato K, Takamura K, Hagiwara K, Kobayashi K, Nukiwa T, Inoue A; North-East Japan Study Group.

J Clin Oncol. 2019 Nov 4:JCO1901488. doi: 10.1200/JCO.19.01488. [Epub ahead of print ]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer