Thorax

ITALUNG : une étude randomisée italienne sur le dépistage

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juillet 2017

Dépistage

Voilà plus de 4 ans que nous avions commenté sur ce site les premiers résultats de l’étude italienne randomisée ITALUNG. Ces résultats concernaient la compliance (nombre d’examens effectués), le nombre de scanners positifs, du résultat de la TEP-FDG et des ponctions sous scanner, et enfin du nombre et du stade des cancers découverts (cliquer ici). A l’époque les résultats de cette étude ne semblaient pas aller dans le même sens que ceux de l’étude NLST mais nous faisions remarquer que ses effectifs étaient 16 fois inférieurs à ceux de l’étude NLST et que les caractéristiques des sujets inclus étaient différentes.

Méthodes

ITALUNG a commencé en Toscane en 2004. Les volontaires étaient recrutés  par 269 médecins généralistes. Ils n’avaient pas exactement les mêmes caractéristiques que ceux du NLST :  leur âge devait être de 55 à 69 ans, leur tabagisme cumulé devait être supérieur à 20 paquets année et ils devaient avoir cessé de fumer depuis moins de 10 ans.

Ils étaient randomisés entre :

  • Un scanner faible dose tous les ans pendant 4 ans,
  • Ou des soins usuels.

Les personnes des deux groupes recevaient une invitation pour un programme de sevrage tabagique gratuit.

L'objectif principal était la comparaison de mortalité spécifique entre les deux groupes. Les objectifs secondaires comportaient la détermination du taux de décès de toutes causes, des taux de décès en dehors du cancer du poumon et l’incidence des cancers du poumon.

Le calcul des sujets était basé sur ceux d’autres essais européens, notamment l’essai NELSON avec lesquels cet essai doit ultétieurement être métaanalysé :  pour observer une réduction de la mortalité spécifique de 25 % après 10 ans, il faudra entre 15 200 et 18 700 sujets.

Résultats

Entre 2004 et 2006, 71 232 lettres d’invitation ont été envoyées. Au total 17 055 personnes ont répondu favorablement et 3206 d’entre étaient éligibles et ont été randomisées. Les caractéristiques des participants des deux groupes étaient bien réparties.

 Avec un suivi médian de 9,3 ans, une réduction de 17% non significative de la mortalité  globale et une réduction également non significative de 30% de la mortalité spécifique ont été observées comme le montre le tableau ci-dessous :

 

Scanner

Contrôle

p

N

1613

1593

 

Nombre de décès

154

181

 

Taux de décès /10000/an

105,1

127

 

Nombre de décès par cancer du poumon

43

60

 

Taux de décès par cancer du poumon/10000/an

29,3

42,1

 

Réduction du risque de décès (95%CI) 

0,83 (0,67-1,03)

0,08

Réduction du risque de décès par cancer du poumon (95%CI) 

0,70 (0,47-1,03)

0,07

Il existait par ailleurs un excès non significatif de mortalité spécifique pendant la durée du dépistage  qui laisse ensuite place à une forte réduction de celle-ci.

Les taux de décès pendant les 60 jours qui suivaient l’intervention chirurgicale ne différaient pas significativement (2 malades dans chaque groupe). De même les taux de décès après la procédure la plus invasive (6 dans chaque groupe).

Les résultats de cet essai peuvent être commentés en 4 points :

1) ils vont dans le même sens que ceux du NLST en montrant des réduction de la mortalité spécifique (30%) et de la mortalité globale (17%) non significatives mais plus importantes encore que celles du NLST (20 et 6%).

2) ils montrent que le surdiagnostic n’est certainement pas considérable et ils confirment qu’il faut attendre longtemps pour l’évaluer : en effet, l’évaluer trop tôt exposerait à attribuer au surdiagnostic la totalité de l’excès de cancers observé dans le bras expérimental alors qu’il peut être dû aussi aux biais d’avance au diagnostic ou de lenteur d’évolution. On voit bien dans cette étude le croisement à plus de 4 ans du nombre cumulatifs de décès par cancer broncho-pulmonaire (figure 3B), ce qui signifie que ces deux derniers biais sont probablement davantage en cause que le biais de surdiagnostic. Une évaluation trop précoce a probablement contribué à surévaluer le surdiagnostic dans l’étude NLST (cliquer ici) 

3) Le fait que 12 patients soient décédés dans les 60 jours qui suivent la procédure la plus invasive représente en revanche un point préoccupant. L’annexe 4 montre que dans chaque bras, il y a deux décès après 67 et 71 chirurgies ce qui représente une mortalité chirurgicale inférieure à 3% qu’on peut considérer comme acceptable s’il y a eu des pneumonectomies.  En revanche les 4 autres décès représentent des événements préoccupants même si ces décès sont exactement au même nombre (6 dans les deux bras).

4)  La réduction de la mortalité générale est en partie liée à une réduction de la mortalité cardio-vasculaire dans l’explication est peut-être liée à une réduction du tabagisme plus importante dans le bras expérimental. Le taux de cessation du tabagisme effectivement est un peu meilleur dans le bras expérimental mais cette différence (21 vs 18%)  ne nous semble pas suffisante pour expliquer cette réduction de mortalité cardio-vasculaire. Peut-être existe-t-il aussi chez les sujets du bras expérimental une diminution quantitative du tabagisme ?

 

 

Reference

Mortality, survival and incidence rates in the ITALUNG randomised lung cancer screening trial.

Paci E, Puliti D, Lopes Pegna A, Carrozzi L, Picozzi G, Falaschi F, Pistelli F, Aquilini F, Ocello C, Zappa M, Carozzi FM, Mascalchi M; and the ITALUNG Working Group.

Thorax 2017 Apr 4. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
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