British Medical Journal

Le dépistage, dans une vaste population américaine de plus de 700 000 patients atteints de cancers broncho-pulmonaires, augmente la proportion de CBNPC de stade I et diminue la mortalité des malades

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2022

Dépistage

Depuis que les résultats des études randomisées NLST et NELSON ont été publiés on sait que le dépistage du cancer broncho-pulmonaire par scanner LD représente la stratégie qui est la plus susceptible de diminuer la mortalité de ce cancer. Dès la publication de ces résultats l’USPSTF a en 2013 recommandé la mise en œuvre de ce dépistage chez les fumeurs et anciens fumeurs à risque élevé de cancer broncho-pulmonaire. Pourtant un scepticisme totalement injustifié continue encore à régner chez de nombreux médecins qui considèrent encore que les données de « vraie vie » sont encore insuffisantes. 

Voici encore des données qui viennent s’ajouter aux très nombreuses données disponibles en posant deux questions :

  • Est-ce qu’aux USA, depuis que ce dépistage a été recommandé en 2013 par l’USPSTF le nombre de cancers de stade I a augmenté ?
  • Et est-ce que dans la même période la survie de des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire a augmenté ? 

Pour répondre à ces questions, les auteurs de cette publication ont travaillé sur les données de la National Cancer Data Base américaine, un registre basé sur les données hospitalières qui recueille les données d’environ 65% des patients atteints de cancer aux USA  et sur celles de la SEER Data Base qui couvre environ 28% de la population américaine. Il s’agit donc d’une étude rétrospective sur données individuelles qui a identifié :

  • Les patients âgés de 45 à 80 ans dans la National Cancer Data Base et ceux âgés de 55 à 79 ans dans la SEER Data Base,
  • Qui ont eu un diagnostic de cancer bronchique non à petites cellules pendant la période allant de 2010 à 2018.
  • En comparant deux périodes : celle du 1/1/2010 au 31/12/2013 (date des recommandations de l’USPSTF) et celle du 1/1/2014 au 31/12/2018. 

Ont été identifiés parmi cette population deux sous groupes de patients :

  • Ceux qui ont les critères des guidelines de l’USPSTF (55-80 ans, 30 PA, arrêt éventuel de moins de 15 ans). 
  • Et ceux qui n’ont pas ces critères en utilisant le sous groupe de 45 à 54 ans de la National Cancer Data Base.

A partir des données de la National Cancer Data Base ils ont analysé les éventuels changements annuels dans les pourcentages de stades I et l’évolution des survies médianes. Leur objectif principal était de savoir s’il existait pendant cette période, parmi ces patients un point d’inflexion où le nombre de stades I et/ou la survie médiane augmentaient. 

Les autres objectifs étaient multiples et concernaient essentiellement aussi les malades de la National Cancer Data Base. Les principaux étaient :

  • De savoir s’il y avait une augmentation significative pendant cette période des cancers « indolents » (carcinoïdes et cancers bronchioloalvéolaires ).
  • De savoir si d’éventuelles modifications pouvaient être dues à des variations de cancers de type inconnu. 
  • De comparer les pourcentages de changement annuels éventuels de CBNPC de stade I parmi les deux groupes de patients définis plus haut : Ceux qui obéissaient aux guidelines de l’USPSTF et ceux qui n’avaient pas ces critères (sous groupe de 45 à 54 ans de la National Cancer Data Base).
  • De savoir, si un bénéfice était observé, si celui-ci dépendait de l’âge en comparant deux populations :
    • 55-64 ans inéligibles pour Medicare
    • Et 65-80 éligibles pour Medicare. 
  • De comparer, à partir des données de la SEER, les données des états à taux élevé de dépistage (taux supérieur au taux médian en 2018) à celles des états à taux bas. 
  • D’estimer le nombre de décès évités grâce au dépistage selon une méthodologie bien détaillée en annexe. 

Résultats

Les données analysées sont extrêmement importantes puisqu’elles concernent notamment 763 474 patients de la National Cancer Data Base, plus de 300 000 de 2010 à 2013 et plus de 400 000 de 2014 à 2018. Les principaux résultats ont été les suivants :

  • De 2010 à 2018 le pourcentage de patients de 55 à 80 ans inclus dans la National Cancer Data Base a augmenté significativement de 28% (p<0,001) et :
    • de 2010 à 2013  il n’a pas augmenté significativement (de 27,8% à 29,4%), 
    • alors qu’à partir de 2013, défini comme le point d’inflexion, ce taux a augmenté 2 fois plus vite (3,9% par an) en passant de 30,2% à 35,5%).  
  • De 2010 à 2018 le pourcentage de patients atteints de cancers « indolents » a diminué ou est resté stable. De plus une analyse séparée des cancers non-indolents a montré le même point d’inflexion en 2013. 
  • L’augmentation annuelle des cancers de stade I était plus importante ches les patients éligibles au dépistage. 
  • La durée médiane de survie (reflet de la mortalité de toutes causes) :
    • a augmenté de 16 à 18,3 mois de 2010 à 2013, ce qui correspond à un changement annuel de 4,1%.
    • De 2014 à 2018 le taux d’augmentation annuel de survie médiane a pratiquement triplé atteignant 11,9% (p=0,001). En 2018 la durée médiane de survie était de 28,2 mois. 
  • En analyse multivariée, le HR de décès diminuait significativement plus vite à partir de 2014. 
  • Le calcul du nombre de décès évités a estimé ce chiffre à 10 110 pour la priode de 2014 et 2018. 
  • Entre 2010 et 2018 les pourcentages de cancers de stades I n’ont pas significativement changé dans les états à faible taux de dépistage. En revanche , dans les états à taux élevé de dépistage ce taux a augmenté significativement à partir de 2014. Il en est de même de l’accélération de la durée de survie à partir de 2015. 
  • Il existe de grandes variations liées notamment aux différences d’éducation et de niveaux socio-économiques : les patients les plus défavorisés gardent encore un taux plus élevé de cancers de stade IV.

Cette étude démontre qu’aux USA, bien que la mise en place du dépistage scanographique du cancer broncho-pulmonaire soit lente, l’implantation de celui-ci dans certaines régions se traduit dès maintenant par une augmentation des cancers de stades I et par une diminution de la mortalité des malades atteints de ce cancer qui permet de sauver des vies. Il reste encore de grandes disparités : aux USA d’abord où ce bénéfice n’apparait pas encore chez les patients défavorisés, et en Europe surtout où l’enthousiasme de beaucoup d’onco-pneumologues, de chirurgiens et de radiologues reste, encore actuellement, désespérément freiné dans certains pays. Maintenant que l’aptitude de ce dépistage à sauver chaque année un nombre élevé de vies est de mieux en mieux prouvée l’immobilisme persistant qui est le nôtre devient de plus en plus insupportable.  C’est dire combien nous espérons fortement que les programmes pilotes proposés il y a quelques mois par la HAS soient enfin mis en place, et ce le plus rapidement possible. 

Reference

Association of computed tomography screening with lung cancer stage shift and survival in the United States: quasi-experimental study.

Potter AL, Rosenstein AL, Kiang MV, Shah SA, Gaissert HA, Chang DC, Fintelmann FJ, Yang CJ.

BMJ. 2022; 376 : e069008.

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer