European Respiratory Journal

Le taux de complications des examens invasifs réalisés à la suite du dépistage du cancer broncho-pulmonaire est, chez les non-fumeurs, proche de celui qui est observé chez les fumeurs.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2020

Dépistage, Cancer du non fumeur

Les études NLST (cliquer ici) et NELSON (cliquer ici) ayant prouvé que le dépistage par scanner faiblement dosé (LD) diminuait significativement la mortalité spécifique, ce dépistage est maintenant recommandé aux USA par l’USPSTF chez les personnes de 55 à 80 ans, fumeurs ou anciens fumeurs, dont le tabagisme cumulé est ≥30PA et qui, s’il s’agit d’anciens fumeurs, a été interrompu il y a moins de 15 ans. En Europe la plupart des experts reconnaissent l’utilité de ce dépistage qui fait l’objet de nombreuses expérimentations qui restent malheureusement peu nombreuses en France (cliquer ici)

En Asie, où le cancer broncho-pulmonaire du non-fumeur est plus fréquent qu’en Amérique et en Europe, plusieurs études de cohorte ont suggéré que le dépistage pouvait être utile, même en dehors de ces critères y compris chez les non-fumeurs.  Toutefois, si les inconvénients de ce dépistage sont bien connus chez les grands fumeurs, on dispose de moins de données sur les inconvénients notamment sur la fréquence des faux positifs et sur les examens qu’ils génèrent chez les non-fumeurs.  

Cette étude coréenne est une étude de cohorte monocentrique menée chez des personnes fumeuses et non-fumeuses, n’ayant pas d’antécédents de cancer broncho-pulmonaire, qui ont été examinés de 2009 à 2018 à Séoul. Tous les participants étaient asymptomatiques et avaient eu des scanners LD dans le cadre de bilans de santé pour lesquels ils étaient volontaires. 

Les principaux objectifs principaux de cette étude étaient de connaitre :

  • Le taux d’examens invasifs réalisés à la suite de ce dépistage et leurs complications
  • Le taux de cancers broncho-pulmonaires détectés
  • Et les taux de faux positifs définis par un diagnostic histologique de non malignité. 

Durant cette période de 9 ans, 41 138 personnes ont eu un dépistage par scanner LD et 3702 n’ont pas été inclus dans cette étude, soit parce qu’ils avaient des antécédents de cancer broncho-pulmonaire, soit parce que leur tabagisme était inconnu. C’est donc finalement 37 436 participants qui ont été analysés parmi lesquels : 

  • 19 468 avaient fumé (ever-smokers),
  • Et 17 968 étaient non-fumeurs selon la définitivement internationale de moins de 100 cigarettes/vie. 

Environ un tiers de ses patients avec moins de 45 ans, la proportion d’hommes était très importante chez les fumeurs ou anciens fumeurs (93,4 %) alors que la majorité des femmes étaient non-fumeuses (68,6 %). Le tableau ci-dessous résume les principaux résultats : 

 

Non-fumeur

Fumeurs

p

N

17 968

19 468

 

Scanner positif[1] (%)

2908 (16,2)

3158 (16,2%)

ns

Caractéristiques des nodules (%)

Solides

48,2

60

<0,001

Partiellement solides

10,9

11,9

Verre dépoli pur

40,4

26,9

Biopsie (%)

139 (0,77%)

194 (1,00)

0,02

Diagnostic (%)

Malin

Bénin

Malin

Bénin

ns

80 (0,5)

50 (0,28)

125 (0,64)

69 (0,35)

On voit sur ce tableau que les non-fumeurs avaient une proportion plus élevée de nodules en verre dépoli et qu’un peu moins de biopsies ont été réalisées chez les non-fumeurs que chez les fumeurs.  Les nodules ont été tous classés dans la classification Lung-RADS et la distribution des différentes catégories était la même dans les deux groupes.

Ce sont donc 333 sujets (139 non-fumeurs et 194 fumeurs ou anciens fumeurs  qui ont eu des biopsies : il s’agissait le plus souvent de thoracotomies (57,4%), mais aussi de biopsies percutanées (30,3%) ou de bronchofibroscopies (12,3%). Des complications en général bénignes en relation avec ces gestes sont survenues dans 14,4% des cas chez les non-fumeurs et dans 18% des cas chez les fumeurs et anciens fumeurs. 

Parmi les 139 non-fumeurs qui ont eu une biopsie :

  • 89 (0,5%) avaient une pathologie maligne dont 84 un cancer broncho-pulmonaire. Parmi ceux-ci 82 (97,6%) avaient un adénocarcinome.  
  • Et 50 (0,28%) une pathologie bénigne.

Et parmi les 194 fumeurs qui ont eu une biopsie :

  • 125 (0,64%) avaient une pathologie maligne dont 123 un cancer broncho-pulmonaire.  Parmi ceux-ci 74 (76,4%) avaient un adénocarcinome.  Cette proportion d’adénocarcinomes était significativement inférieure à celle qui était observée chez les non-fumeur (p=0,001). 
  • Et 69 (0,35%) une pathologie bénigne.

Sur les 119 pathologies bénignes le tiers (30 et 31,9%) ont été diagnostiqués à la suite d’une intervention chirurgicale. Les diagnostics retenus étaient pour l’essentiel des pathologies infectieuses qui le plus souvent étaient des mycobactérioses, Il pouvait aussi s’agir d’hamartomes, de vascularites etc. 

Cette étude montre donc qu’il existe une différence significative entre le taux de prélèvements réalisés chez les fumeurs ou anciens fumeurs  (1%) et chez les non-fumeurs (0,77%). En revanche, il n’existe pas de différence significative entre les taux de complications de ces prélèvements. Il n’existe pas non plus de différence significative entre les diagnostics retenus à la suite de ces examens chez les fumeurs ou anciens fumeurs et non-fumeurs qui ont été biopsiés :

  • les proportions de cancers broncho-pulmonaires étaient  respectivement de 63,4 et 60,4 % et celles d’autres pathologies malignes respectivement de 1 et 3,6%.  La proportion d’adénocarcinomes parmi les cancers broncho-pulmonaires était cependant significativement supérieure chez les non-fumeurs. 
  • Et celles de  faux positifs étaient  respectivement de 35,6 et 36%.

Enfin les proportions de cancers de stades IA (78,6 et 61,8%) et de cancers opérés (92,9 vs 82,1%) étaient significativement supérieures chez les non-fumeurs. 

Cette étude rétrospective qui porte sur un très grand nombre de personnes dépistées démontre que, chez des patients asiatiques, si le taux de cancers dépistés est plus faible chez les non-fumeurs, les taux de complications liées aux examens invasifs sont les mêmes que chez les fumeurs. Encore plus que chez les fumeurs le dépistage effectué chez les non-fumeurs détecte beaucoup plus de cancers de stades précoces et de cancers opérables que chez les personnes dont le cancer est découvert à la suite de symptômes. 

Retenons néanmoins que cette étude a les limitations bien connues des études rétrospectives. On n’a notamment pas d’information sur l’évolution des malades non biopsiés. Souvenons nous aussi que ces résultats sont ceux d’une population asiatique dans laquelle les taux de cancers des non-fumeurs sont beaucoup plus élevés qu’en Europe ou aux USA. Enfin rappelons nous que cette étude n’est pas une étude randomisée et ne démontre donc pas l’utilité du dépistage du cancer broncho-pulmonaire chez les non fumeurs. Une étude randomisée  japonaise destinée à 35 000 non-fumeurs et fumeurs de moins de 30 PA et comparant comme le NLST scanner LD à radiographie  permettra sans doute de répondre à cette question (cliquer ici)

 

 

 

[1] Nodule non calcifié de taille ≥4mm. 

Reference

Low-dose chest computed tomographic screening and invasive diagnosis of pulmonary nodules for lung cancer in never-smokers.

Kim YW, Kang HR, Kwon BS, Lim SY, Lee YJ, Park JS, Cho YJ, Yoon HI, Lee KW, Lee JH, Lee CT.

Eur Respir J. 2020 Nov; 56 : 2000177

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