La pneumonectomie extrapleurale qui enlève d’un bloc le poumon, la plèvre le diaphragme et le péricarde homolatéraux a été pour la première fois décrite en 1976 et surtout réactualisée en 1999 par Sugarbaker. C’est une intervention lourde qui comprend un nombre élevé de complications et dont les résultats sont extrêmement variables dans la littérature avec des durées médianes de survie allant de 10 à 27 mois. Elle n’est recommandée que dans le cadre strict d’essais cliniques.
On dispose de très peu d’études randomisées telle que l’étude MARS lancée en Angleterre en 2005 et publiée en 2011dont les résultats ont été commentés sur ce site par Pierre Bonnette (cliquer ici). Cette étude randomisée a comparé après chimiothérapie un traitement trimodal par pneumonectomie extrapleurale et radiothérapie conventionnelle à l’abstention. Seulement 50 sur 112 patients enregistrés ont été randomisés : la survie a 1 an était de 52 % dans le bras exérèse et 73% dans le bras sans exérèse et la survie médiane était de 14.4 mois contre 19.5 mois . La conclusion de cet essai était qu’il était très difficile de conduire un essai randomisé de ce type de grande ampleur et que les effectifs réduits ne permettaient aucune conclusion décisive.
Trois ans plus tard, une importante étude rétrospective italienne portabt sur 1365 patients a comparé la survie des patients traités par traitement médical, plerectomie et pneumonectomie extrapleurale : les durées médianes de survie étaient respectivement de 11,7, 20,5 et 18,8 mois et les taux de survie à 5 ans de 4, 10 et 12%. Cependant aucune conclusion n’était possible, non seulement parce qu’il s’agit d’une étude rétrospective mais surtout par ce que les caractéristiques des patients n’étaient mas les mêmes (cliquer ici).
L’étude SMART dont les résultats définitifs sont publiés ce mois-ci dans le Lancet Oncology est une étude de phase II monocentrique académique canadienne associant d’abord une radiothérapie à modulation d'intensité (IMRT) puis une pneumonectomie extrapleurale.
Pour être inclus dans cette étude, les patients devaient avoir au moins 18 ans, un PS de 0 à 2, un VEMS d’au moins 40 % des valeurs théoriques et une DLCO d’au moins 45 %. Ils devaient avoir un mésothéliome de stade cT1-3 N0M0, (c'est à dire n’atteignant pas la plèvre contro-latéral, le péritoine, le poumon, les organes du médiastin, le myocarde, les vertèbres et ne présentant pas d’épanchement péricardique). Ce TNM était établi à partir des résultats du scanner et de la TEP-FDG. Ils devaient être enfin être jugés par un chirurgien comme ayant une tumeur résécable. Entre 2008 et 2013 le staging médiastinal n’était pas requis. Il l’était en revanche à partir de 2013 chez les malades qui avaient des ganglions suspects au scanner ou à la TEP-FDG.
Le clinical target volume (CTV) était définie par l’hémithorax homolatéral du début du thorax jusqu’à l’insertion du diaphragme et il incluait les sites de biopsie et de drainage. Sur ce CTV était administrées 5 fractions en une semaine pour une dose totale de 25 Gy. Le GTV était défini par l’ensemble des images tumorales identifiées au scanner et au TEP-FDG. Les zones jugées à haut risque recevaient en même temps 5Gy.
La pneumonectomie extrapleurale était planifiée 1 semaine après la fin de cette radiothérapie néoadjuvante. Il était proposé aux patients qui avaient un envahissement ganglionnaire décelé à l’intervention 3 cycles de chimiothérapie adjuvante qui devaient être administrés dans les 24 semaines qui suivaient la pneumonectomie extrapleurale.
Ensuite une surveillance à des dates précises était organisée.
L'objectif principal était la faisabilité définie par la proportion de patients non décédés dans les 30 jours post-opératoires et sans toxicité de grades 3 ou 4. Les objectifs secondaires étaient les modalités de récidive en dehors de l’hémithorax atteint, les complications des traitements, la survie sans maladie et la survie globale, et enfin les récidives au sein de l’hémithorax atteint. L’hypothèse définie par l’objectif principal était que, à 30 jours, la mortalité ne devait pas excéder 8% et que le taux de complications de grades 3 et 4 ne devait pas excéder 35 %.
Résultats
De 2008 à 2019, 96 des 532 patients examinés ont été considérés comme éligibles et ont été inclus dans l’étude. Quarante-cinq d’entre eux (47 %) avaient un bilan médiastinal par EBUS ou médiastinoscopie négatif. Malgré cet effort pour n’inclure que des patients réellement N0, 60 patient (62 %) avaient en postopératoire des ganglions envahis. Cinq d’entre eux avaient par ailleurs une extension trans-diaphragmatique de la tumeur vers le péritoine.
Chez tous les patients inclus, la radiothérapie n’a pas entraîné de complications de grade ≥3. La pneumonectomie extrapleurale a été effectué après un délai médian de 5 (2-12) jours et le seul effet adverse de la radiothérapie retenu a été la constatation d’un épaississement de la paroi œsophagienne découvert lors de l’intervention chez 20 patients.
Quarante-sept (49%) patients ont eu une toxicité de grade 3 (n=33) ou 4 (n=14) dans les 30 jours qui suivaient la pneumonectomie extrapleurale (fibillation atriale, pneumopathies, thromboses chylothorax, hémothorax etc). Un seul patient est décédé dans les 30 jours. L’un des deux objectifs, celui de la mortalité à 30 jours, était donc atteint.
La chimiothérapie post-opératoire a été envisagée chez 49 des 60 patients N+ mais n’a été débutée que chez 13 patients et achevée seulement chez 7.
Avec un suivi médian de 46,8 mois, la durée médiane de survie était de 24,4 mois. Dans une analyse multivariée post-hoc, l’histologie (la survie des formes épithéliales était meilleure que celles des formes biphasiques), le statut ganglionnaire, et le taux de complications de grade 4 étaient les facteurs indépendamment associé à la survie.
La durée médiane de survie sans récidive était de 18 mois, les deux sites de récidive les plus fréquents étaient le poumon contro-latéral et la cavité péritonéale.
De cette étude qui ne démontre en rien l’intérêt de cette association d’une radiothérapie à modulation d'intensité (IMRT) puis une pneumonectomie extrapleurale, plusieurs informations peuvent être retenues 1) moins de 20% des patients examinés ont été éligibles à cette association. 2) Malgré un staging médiastinal rigoureux réalisé dans plus de la moitié de la durée de l’étude 62% de tous ces malades classés cN0 étaient en fait pN+, presque tous pN1. 3) Bien qu’il ait été prévu de réaliser une chimiothérapie chez ces malades pN+ seul un tout petit nombre a pu recevoir ce traitement. L’intérêt du traitement multimodal du mésothéliome reste bien difficile à démontrer.
Reference
Surgery for malignant pleural mesothelioma after radiotherapy (SMART): final results from a single-centre, phase 2 trial.
Cho BCJ, Donahoe L, Bradbury PA, Leighl N, Keshavjee S, Hope A, Pal P, Cabanero M, Czarnecka K, McRae K, Tsao MS, de Perrot M.
Lancet Oncol 2021; 22 : 190-197