Depuis la publication en aout 2011 des résultats de l’essai IFCT 0501 (cliquer ici), la chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel hebdomadaire est devenu le standard de traitement des patients de plus de 70 ans atteints de cancer bronchique non à petites cellules non résécables et non irradiable. Un an après cette publication ont été publiés les résultats de l’étude AVAPERL qui démontrait que la maintenance par pemetrexed après une chimiothérapie de cisplatine et pemetrexed prolongait significativement la survie sans progression (cliquer ici) et la survie globale (cliquer ici). Chez les patients âgés de plus de 70 ans inclus dans cette étude un bénéfice significatif de survie sans progression était retrouvé mais la survie globale n’était en revanche pas augmentée (cliquer ici). Toutefois, il était difficile d’extrapoler ces résultats à l’ensemble des malades : les sujets âgés ne représentaient que 18% de cette population et étaient donc probablement sélectionnés. De plus leur âge médian était de 72 et 73 ans dans les deux bras alors qu’il était de 77 ans dans l’essai IFCT 0501 qui lui n’incluait que des sujets âgés. Il était donc évident qu’un essai comparatif prospectif dans une grande étude de phase III comparant le traitement standard défini plus haut à ce même traitement suivi d’un traitement de maintenance devait être conduit.
Pour être inclus dans l’essai l’essai de phase III IFCT-1201 MODEL, coordonné à nouveau par Elisabeth Quoix, les patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules de stade IV ou III qui ne pouvait être traité ni par la radiothérapie ni par la chirurgie et être âgés de 70 à 80 ans. Ils devaient aussi avoir un PS de 0 à 2 et un MMS>23. Ils devaient avoir des fonctions rénale et hépatique correctes. Ils ne devaient avoir ni mutation EGFR, ni réarrangement ALK, ni métastase cérébrale symptomatique.
Après 4 cycles de chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel hebdomadaire, les patients non progressifs étaient randomisés pour recevoir ou non un traitement de maintenance qui était soit 500 mg de pemetrexed pour les patients atteints d’un cancer non épidermoïde soit gemcitabine à 1150 mg/m2 à J1 et 8 de cycles de 21 jours pour les patients atteints de cancer épidermoïde.
L'objectif principal était la survie définie à partir de la date de randomisation.
Les objectifs secondaires étaient la survie globale de l’ensemble des patients inclus, la réponse au traitement d’induction, la faisabilité du traitement de maintenance, la survie sans progression à partir de la randomisation et la réponse et la toxicité du traitement de maintenance.
Pour démontrer un bénéfice de survie de quatre mois depuis la date de randomisation, 328 patients devaient être randomisés, 546 au total devaient être enrôlés et 278 événements devaient être observés. Après l’inclusion de la moitié des patients randomisés, un comité indépendant (IDMC) devait être réuni.
De 2013 à 2016, 632 patients ont été inclus dans 67 centres et 627 étaient éligibles. Parmi ceux-ci, 623 ont reçu au moins une injection de traitement et 328 (52,3%) patients, non progressifs après la chimiothérapie d’induction, ont été randomisés, 166 dans le bras observation et 162 dans le bras maintenance. Les caractéristiques des patients randomisés et non randomisés étaient différentes sur deux points : il y avait parmi les randomisés plus de patients de PS 0 ou 1 (89 vs 82%) et plus de non-fumeurs (18 vs 11%). Les caractéristiques des patients randomisés ne différaient pas. Le nombre moyen de cycles de chimiothérapie de maintenance était respectivement de 6,9 et 6,3 cycles pour les patients sous pemetrexed et sous gemcitabine. La durée médiane de suivi était de 39,7 mois.
La durée médiane de survie de l’ensemble de la population était de 11 mois.
La durée médiane de survie estimée depuis la date de la randomisation était de 14,1 mois chez les patients du bras observation et de 14 mois chez les patients du bras maintenance. Cette différence n’était pas significative. En revanche la survie sans progression médiane estimée depuis la date de la randomisation était de 2,7 mois dans le bras standard et de 5,7 mois dans le bras maintenance. Cette différence était significative (HR = 0,51 (95% CI: 0,40-0,64) (p < 0,001).
Le taux d’effets adverses de tous grades était significativement plus élevé dans le bras maintenance (94 vs 52%) ainsi que celui de grade ≥3 (50 vs 2%).
Davantage de patients du bras observation ont reçu un traitement de deuxième ligne, en général de l’erlotinib qui était le traitement recommandé mais aussi une immunothérapie, et la survie médiane des patients qui ont reçu une deuxième ligne dans le bras observation était de 11,7 mois alors qu’elle n’était que de 9,2 mois dans le bras maintenance.
On retiendra de cette étude que la chimiothérapie par switch maintenance n’a pas démontré d’impact significatif sur la survie chez ces patients âgés. L’IFCT explore maintenant chez ces malades l’immunochimiothérapie, dans l’essai de phase III IFCT 18-05 ELDERLY coordonné par Elisabeth Quoix et Céline Mascaux, dans un essai qui compare carboplatine et paclitaxel hebdomadaire à carboplatine et paclitaxel et atezolizumab (cliquer ici). La participation à cet essai qui doit randomiser 500 malades pour répondre à une importante question doit être notre priorité à tous.
Reference
Switch maintenance chemotherapy versus observation after carboplatin and weekly paclitaxel doublet chemotherapy in elderly patients with advanced non-small cell lung cancer: IFCT-1201 MODEL trial.
Quoix E, Audigier-Valette C, Lavolé A, Molinier O, Westeel V, Barlesi F, Le Treut J, Pichon E, Dauba J, Otto J, Moreau L, Madelaine J, Dumont P, Margery J, Debieuvre D, Renault PA, Pujol JL, Langlais A, Morin F, Moro-Sibilot D, Souquet PJ.
Eur J Cancer 2020; 138 : 193-201.