JAMA

Surdiagnotic lors du dépistage du cancer broncho-pulmonaire chez les femmes asiatiques le plus souvent non fumeuses

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
février 2022

Dépistage

Le biais de surdiagnostic est bien connu et toujours mis en avance par ceux qui restent réservés sur le dépistage des cancers. Il désigne le fait de diagnostiquer un cancer qui n’aurait pas évolué et en particulier n’aurait pas causé le décès s’il n’avait pas été diagnostiqué. Ce biais est bien connu notamment dans le cancer de la prostate. 

Dans le cancer du poumon du fumeur dépisté par scanner faiblement dosé, une première publication en 2013 l’avait estimé à 18% (cliquer ici) mais dès cette date on pouvait penser que l’excès de cancers dans le bras dépisté par scanner qui permet d’estimer le surdiagnostic témoignait plus d’un biais de lenteur d’évolution car cet excès disparaissait au bout  de quelques années (cliquer ici). De fait après un suivi de 11 ans, il apparaissait beaucoup moins important à 3%  (cliquer ici).  De même dans l’étude NELSON, l’excès du nombre de cancer dans le bras dépisté était à 11 ans, c’est-à-dire 5,5 ans après les résultats du dernier round (ce qui est peut-être encore un peu trop tôt), de 18 cas ce qui faisait évaluer le taux de surdiagnostic à 8,9% (cliquer ici)

Actuellement ce dépistage n’est proposé qu’aux fumeurs ou anciens fumeurs à l’exception des pays de l’est asiatique qui sont confrontés à un nombre de cas très élevé de cancers du non fumeur qui pour la plupart sont observés chez les femmes. Il n’est pas certain que les chiffres de surdiagnostics observés chez le fumeur soient transposables aux femmes non fumeuses asiatiques dont les cancers sont souvent très différents de ceux des fumeurs et anciens fumeurs américains et européens. 

A Taïwan, bien que le dépistage du cancer du poumon par scanner faiblement dosé ne soit actuellement pas couvert par la National Health Insurance qui prend en charge plus de 99% de la population, le scanner de dépistage est largement pris en charge par des organisations caritatives pour certaines populations et la promotion de ce dépistage, qui vise particulièrement les femmes, est largement faite par les médias. 

L’intérêt de l’article que nous commentons ici est qu’il vise à évaluer le surdiagnostic à partir de l’incidence et de la mortalité du cancer broncho-pulmonaire chez les femmes de Taïwan qui depuis 1980 ne sont fumeuses que dans moins de 5% des cas.

Sur une population d’environ 12 millions de femmes, le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire a été porté chez 57898 femmes entre 2004 et 2018 et pendant cette période l’incidence des cancers de stades précoces (0 et 1) a été multipliée par 6 en passant de 2,3 à14,4/100 000 alors que le nombre de cancers de stades II à IV n’a pas varié. Pendant cette période la mortalité par cancer broncho-pulmonaire n’a pas diminué alors que la survie des malades atteints de cancer broncho-pulmonaire passait de 18 à 40%. Ces résultats sont pour les auteurs extrêmement évocateurs d’un surdiagnostic qui concernerait entre 7000 and 12 000 des femmes taïwanaises. 

Cette hypothèse d’un taux très élevé de cancers du non-fumeur surdiagnostiqués chez les femmes asiatiques est possible. Ceci suggèrerait  que ces cancers des non-fumeuses asiatiques ont un profil évolutif différent de celui des fumeurs et anciens fumeurs européens et américains. Mais d’autres explications sont possibles :

  • On ne peut écarter une augmentation de l’incidence des cancers broncho-pulmonaires  de la femme dans cette région pendant cette période (du fait par exemple de la pollution). Seule une étude randomisée permettrait d’écarter cette hypothèse en montrant que seuls les cancers du bras dépisté augmenteraient en nombre.  C’est parce que cette étude était randomisée  qu’on a pu prouver l’existence d’un surdiagnostic dans l’étude randomisée de la Mayo Clinic qui portait sur la radiographie thoracique : dans cette étude la mortalité spécifique ne diminuait pas dans le bras dépistage bien que la survie des malades dépistés ait augmenté  parce que, comparativement au bras standard, il y avait davantage de cancers dans le bras expérimental que dans le bras standard. 
  • On ne peut écarter le fait que cette augmentation des cas soit liée à un biais de lenteur d’évolution car l’augmentation des cas est observée entre 2008 et 2018 de sorte que le temps de suivi pour les dernières années est encore court. 
  • Enfin les anomalies de petite taille dépistées dans les grandes études randomisées n’étaient explorées puis opérées que si leur croissance sur au moins deux scanners était prouvée… Ce n’était pas forcément le cas de cette étude qui concerne un dépistage opportuniste dont les règles concernant l’exploration des nodules n’étaient pas prédéfinies.  

Reference

Association of Computed Tomographic Screening Promotion With Lung Cancer Overdiagnosis Among Asian Women.

Gao W, Wen CP, Wu A, Welch HG.

JAMA Intern Med 2022 Jan 18. Online ahead of print.

53 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer