Lancet oncology

Immuno-radiothérapie néoadjuvante ? Un nouvel axe de recherche

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juin 2021

Immunothérapie, Traitement péri-opératoire, Radiothérapie / Radiofréquence

Plusieurs essais de phase II,  dont certains ont été commentés sur  ce site (cliquer ici) (et ici) (et ici) (et ici) (et ici), ont rapporté une activité de l’immunothérapie associée ou non à la chimiothérapie comme traitement néoadjuvant des cancers bronchiques non à petites cellules opérables. Les réponses pathologiques majeures, définies par la persistance de moins de 10% de cellules tumorales viables, et les réponses complètes, définies par l’absence de toute cellule  cancéreuse viable étaient dans la plupart des cas les critères de jugement de ces études. Dans les études d’immunothérapie néoadjuvante,  ces taux de réponses pathologiques majeures étaient comparables à ceux observés dans les études de chimiothérapie néoadjuvante. Dans deux petites études de phase II de radiochimiothérapie  ces  taux de réponse pathologique majeures  étaient très supérieurs  (cliquer ici)    (et ici).

Parce qu’il est maintenant fortement suggéré que la radiothérapie augmenterait l’activité de l’immunothérapie administrée à sa suite cette étude randomisée a été conçue pour évaluer la tolérance et l’efficacité d’une radiothérapie stéréotaxique  de 8Gy en 3 fractions associée à du durvalumab.

Il s’agit d’une étude randomisée monocentrique qui a été menée au Weill Cornell Medicine Presbyterian Hospital de New York. Cette étude compare du durvalumab néoadjuvant à du durvalumab associé à une radiothérapie stéréotaxique chez des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules de stades I à IIIA histologiquement prouvés et résécables.  Ils devaient avoir plus de 18 ans, un PS à 0 ou 1, et des fonctions pulmonaires, cardio-vasculaire et hématologiques adéquates. Ils ne devaient pas de cancer invasif ni concomitant, ni dans les 3 dernières années. Ils ne devaient pas non plus avoir de maladie auto-immune ni pneumopathie interstitielle diffuse.

Le bilan réalisé était habituel. Il comprenait notamment la réalisation d’une IRM cérébrale. L’abord médiastinal par médistinoscopie ou EBUS n’était « encouragé » lorsqu’existaient des ganglions pathologiques.

Les patients éligibles étaient randomisés pour recevoir :

-       Soit 2 cycles de durvalumab espacés de 3 semaines à la dose de 1,12 g IV,

-       Soit ce même traitement précédé immédiatement d’une radiothérapie comprenant 3 fractions quotidiennes consécutives de 8 Gy (ce qui correspond à une dose totale de 43,2 Gy).

Un nouveau bilan était ensuite effectué 1 à 2 semaines après la deuxième administration de durvalumab et en l’absence de progression l’exploration chirugicale avait lieu 2 à 4 semaines après le deuxième cycle de durvalumab.

L'objectif principal était la différence de réponse pathologique majeure (moins de 10% de cellules tumorales viables) entre les deux groupes.

Les objectifs secondaires étaient la survie sans maladie à 2 ans comparée à un contrôle historique (qui, avant un amendement était l’objectif principal initial) et la différence des taux de réponse. Trente patients par groupe était nécessaire pour détecter un taux de réponse pathologique majeur passant de 15% dans le groupe durvalumab à 35 % dans le groupe durvalumab + radiothérapie stéréotaxique.

Une analyse non programmée a été réalisée pour savoir si l’expression de PD-L1  en post traitement était modifié par rapport à celle qui était observée avant le  traitement.

Résultats

Sur 96 patients screenés, 60 étaient éligibles et ont été randomisés (30 dans chaque bras) et les caractéristiques des patients des deux bras étaient bien réparties è l’exception du  statut PD-L1  qui n’était pas un critère de stratification : davantage de patients négatifs ont été randomisés dans le bras durvalumab seul (15 vs 6). La répartition par stades était respectivement dans le bras immunothérapie et dans le bras immunothérapie + radiothérapie de 37 et 26% pour les stades I, de 16 et 23% pour les stades II et de 47 et 40% pour les stades III.

Tous les patients ont reçu au moins une dose de durvalumab, tous ceux dont le traitement comportait une radiothérapie ont reçu ce traitement et 26/30 dans chaque groupe ont eu la résection chirurgicale de leur tumeur[1]. Les patients non opérés ont été considérés comme n’étant pas en réponse pathologique majeure.

Les nombres de réponses pathologiques majeures et de réponses complètes de l’ensemble des malades figurent sur le tableau ci-dessous :

 

Durvalumab

Durvalumab +Radiothérapie

p

N

30

39

 

Réponses pathologiques majeures (%)

2 (6,7)

16 (53,3)

 

OR de réponses pathologiques majeures (%)

16 (3,2-79,6)

<0,0001

Réponses complètes (%)

0

8

 

On voit donc que l’objectif principal a été atteint puisque le pourcentage de réponses pathologiques majeures était significativement supérieur dans le bras expérimental.

Il est intéressant de noter que ces réponses histologiques n’étaient pas prévues par la réponse scanographique, par exemple sur les 18 réponses pathologiques majeures 6 étaient considérées comme des stabilités et 12 comme des réponses partielles. Aucune réponse complète histologique n’a été observée au scanner.

Une résection complète (R0) a été réalisée chez 23 (77%) des 30 patients du bras immunothérapie et 25 (83 %) du bras immunothérapie plus radiothérapie.

Des complications de grade 3 conformes aux complications habituellement observées sont survenues chez 10 patients de chaque groupe.

Pour l’instant,  le suivi médian n’est que de 16,9 mois et 7 des 48 patients (15%) qui étaient classés R0 ont progressé, 6 après immunothérapie exclusive et seulement 1 après immunothérapie et radiothérapie.

Quatre analyse post-hoc ont été effectuées :

  • L’une concernait le lien entre le statut EGFR et la présence d’une réponse pathologique majeure. Douze patients des deux groupes avaient une mutation activatrice de l’EGFR et l’un d’entre eux dans le bras immunothérapie + radiothérapie avait une réponse pathologique majeure.
  • La deuxième concernait un possible effet abscopal de la radiothérapie associé à l’immunothérapie. Les auteurs ont retenu en faveur d’un tel effet que davantage de patients du bras immunothérapie +radiothérapie avaient un « downstaging » ganglionnaire médiastinal 4/6 vs 1/7). 
  • Compte tenu de la mauvaise répartition des statuts PD-L1 mentionnée plus haut, une analyse post-hoc a comparé les taux de réponses pathologiques majeures chez les patients exprimant PD-L1  à  au moins 1 % : la différence était importante et  significative chez les patients traités par traitement combiné (8 vs 64%).
  • Enfin,  il n’a pas été trouvé d’arguments en faveur d’une induction du statut PD-L1  par la radiothérapie.

Cette étude porte sur de petits effectifs de malades qui ont des cancers de pronostic extrêmement variables puisque leurs stades vont de IA à IIIA. Il est cependant probable que l’association de durvalumab à une courte radiothérapie stéréotaxique devienne un axe de recherche prometteur. Tant que nous n’aurons pas de données plus robustes, il est clair que ce traitement ne doit pas être utilisé en dehors de la recherche clinique.

 

[1] Dans le bras immunothérapie, la chirurgie n’a pas été réalisée chez 4 patients : deux par progression (pleurale et osseuse), un décès préopératoire chez un patient en progression et une décision du patient. Dans le bras traitement combiné, c’est également quatre patients qui n’ont pas été opéré : décès préopératoire chez un patient et progression chez trois (aorte, plèvre, poumon).

Reference

Neoadjuvant durvalumab with or without stereotactic body radiotherapy in patients with early-stage non-small-cell lung cancer: a single-centre, randomised phase 2 trial.

Altorki NK, McGraw TE, Borczuk AC, Saxena A, Port JL, Stiles BM, Lee BE, Sanfilippo NJ, Scheff RJ, Pua BB, Gruden JF, Christos PJ, Spinelli C, Gakuria J, Uppal M, Binder B, Elemento O, Ballman KV, Formenti SC.

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