Il est en général admis que les antibiotiques et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) qui modifient le microbiote intestinal diminuent l’efficacité des inhibiteurs de point de contrôle anti PD-1 et PD-L1. Les auteurs ont souhaité confirmer cette notion à partir des données de 5 grands essais cliniques évaluant l’efficacité de l’atezolizumab, seul ou associé à une chimiothérapie, dans les cancers bronchiques non à petites cellules étendus. Il s’agit des essais IMPower 130 (cliquer ici), IMPower 131 (cliquer ici), IMPower 150 (cliquer ici), OAK (cliquer ici) (et ici) et POPLAR (cliquer ici). Ils ont pour ce faire construit un modèle de Cox destiné à évaluer l’effet de ces deux groupes de médicaments sur la survie.
Les effectifs de ces 5 études comportent 4458 patients :
- 2723 randomisés dans un bras comportant de l’atezolizumab en monothérapie ou associé à une chimiothérapie dont
- 194 ont reçu un antibiotique dans les 30 jours précédant le traitement, ce qui représente 7% des malades.
- Et 762 utilisaient un IPP au premier jour du traitement ce qui représente 28% des malades.
- et 1735 dans un bras sans atezolizumab traités par chimiothérapie.
- 91 (5%) ont reçu un antibiotique dans les 30 jours précédant le traitement.
- Et 463 (27%) recevaient un IPP au premier jour du traitement ce qui représente.
La durée médiane de suivi de l’ensemble de la cohorte était de 19 mois.
Caractéristiques des patients recevant une antibiothérapie ou des IPP
L’utilisation d’antibiotiques était significativement plus fréquente chez les asiatiques, les malades qui avaient un PS élevé et chez ceux qui avaient une expression élevée de PD-L1. Les quinolones, les pénicillines, les céphalosporines, les macrolides et les tetracyclines représentaient les 5 familles d’antibiotiques les plus utilisées. Ils étaient prescrits pour les infections pulmonaires à titre préventif (n=76), ou curatif (n=69) ou pour d’autres infections, notamment urinaires (n=23).
L’utilisation d’IPP de tous types était notamment significativement plus fréquente chez les personnes âgées, de PS élevé et anciens fumeurs. Ils étaient le plus souvent prescrits pour protection gastrique (n=568), reflux gastro-oesophagien (n=431), gastrite (n=55) ou ulcère (n=51) et parfois simplement pour des douleurs ou une sensation d’inconforts gastriques ou gastro-intestinales.
Antibiothérapie et pronostic
Chez les patients recevant de l’atezolizumab, que ce soit en analyse univariée ou en analyse ajustée aucun lien significatif entre la survie et la survie sans progression d’une part et le fait d’avoir reçu une antibiothérapie dans les 30 jours qui précédent le traitement d’autre part.
Chez les patients recevant le bras standard, il y avait en revanche un lien significativement défavorable entre la survie (HR 1,45 (1,13-1,86) p=0,003), et la survie sans progression (HR 1,50 (1,21-1,87) p<0,001), et le fait d’avoir reçu une antibiothérapie dans les 30 jours qui précédent le traitement.
Dans une analyse exploratoire, l’utilisation d’une antibiothérapie dans les 30 jours qui suivaient l’introduction de l’atezolizumab était associée avec une aggravation de la survie globale et de la survie sans progression.
Si on compare les HR de survie de l’atezolizumab comparés au bras standard :
- Il est à 0,73 (0,53-0,99) pour les malades qui ont reçu des antibiotiques
- Et à 0,82 (0,74-0,91) chez les malades qui n’ont pas reçu d’antibiotiques.
Et il en est de même de la PFS.
IPP et pronostic
Chez les patients recevant de l’atezolizumab, que ce soit en analyse univariée ou en analyse ajustée le fait de recevoir un IPP était significativement associé avec une plus mauvaise survie (en analyse ajustée le HR était à 1,23 (1,09-1,37), p<0,001) et une plus mauvaise survie sans progression (1,15 (1,03-1,28), p=0,01).
Chez les patients recevant le bras standard, il n’y avait en revanche aucun lien significativement défavorable concernant la survie ou la survie sans progression et l’usage d’IPP.
Si on compare le HR de survie de l’atezolizumab comparé au bras standard :
- Il est à 1 (0,85-1,17) pour les malades qui reçoivent un IPP.
- Et à 0,76 (0,69-0,83) chez les malades qui n’en reçoivent pas.
Et il en est de même de la survie sans progression : le HR était à 0,93 (0,76–1,13) pour les malades sous IPP et à 0,75 (0,65–0,88) pour ceux qui n’en recevaient pas.
La conclusion des auteurs de cette importante étude qui porte sur plus de 4000 patients est que les antibiotiques reçus dans les 30 jours avant l’immunothérapie par atezolizumab ne diminuent pas l’efficacité de ce traitement alors que les inhibiteurs de la pompe à protons reçus par les patients au début de l’immunothérapie en diminuent incontestablement l’efficacité. Cette conclusion qui porte sur l’absence d’effet de l’antibiothérapie doit être interprétée avec prudence, comme le souligne l’éditorial qui accompagne cette étude (cliquer ici). Il semble bien en effet que l’effet délétère de l’antibiothérapie concerne les malades traités par immunothérapie exclusive et non ceux traités par immunochimiothérapie (dont le microbiote intestinal serait déjà modifié par la chimiothérapie), or le bras expérimental de 3 des 5 études analysées est justement une immunochimiothérapie. A l’appui de cette affirmation d’ailleurs il a été démontré dans une analyse des études OAK et POPLAR que chez les malades traités par atezolizumab l’antibiothérapie est, comme les inhibiteurs de la pompe à protons, délétère (cliquer ici pour un accès gratuit).
Il nous parait donc justifié, pour notre pratique quotidienne, de limiter, chaque fois que cela est possible, chez les malades qui reçoivent une immunothérapie, non seulement les prescriptions d’IPP mais aussi celles d’antibiothérapie .